Une peinture abstraite, une peinture qui n’est que couleurs, taches, nuages d’ombres et de lumière, couches et retraits, tracés qui se perdent, s’enchevêtrent et reviennent sur eux-mêmes, peut ouvrir les mille portes de l’imaginaire et mettre en route la machinerie des fantaisies visuelles.
Les travaux exposés à la Galerie Malebranche en Campagne sont de dimensions modestes. L’aventure visuelle reste la même, toujours nourrie de contrastes, mais dans des tonalités plus retenues, jaune ocre, vert, gris et bleu, avec ici ou là une pointe de rouge opposée à des noirs et des blancs délibérément non intenses, luminosités diffuses propices à des répétitions insistantes mais non agressives de formes non identifiables.
Au-delà de la métaphore Garden now qui pourrait – sans doute fallacieusement - nous inciter à lire dans les formes qui se répètent des allusions animalières ou végétales ces tracés flottants jouent comme des figures de songes à l’origine d’une profondeur obtenue sans effet de perspective et creusées dans un espace limité que la maîtrise du peintre dans son jeu de couleurs et d’accents fait surgir sur l’ensemble de la toile.
Cette recherche qu’István Petò élargit à des toiles de grandes dimensions en vue de développer la peinture dans la profondeur d’espace qui lui est propre et unique nous tend une petite perche pour ne pas rester devant eux, regardeurs cantonnés à des échanges silencieux, mais offre d’y participer sensiblement.
Henri-Alexis Baatsch - 20 juillet 2021
Ce n’est pas rien de lancer des mots, vol plané au-dessus de la chose peinte. Dans un beau texte de huit pages «Voir sans être vu», écrit par Gilles Aillaud à propos de Vermeer, un peintre s’exprime sur les tableaux d’un peintre «frais comme s’ils avaient été bâclés, bien que mûrement réfléchis…»
Nous retiendrons, entre autres, cette idée; nous la retiendrons pour la peinture d’István Peto: nous y tenons.
Il y a trois siècles et quarante ans, Vermeer nous a quittés; on ne peut plus peindre comme Vermeer. Pardon! Nul n’a peint comme Vermeer en son temps. Un peintre ne peint jamais comme un autre. Gilles Aillaud a dessiné, écrit et peint comme lui-même.
István Peto, autre peintre, à Saint-Denis, peint comme il le doit, près de la grande basilique funéraire, tombeaux vastes et blancs d’un mausolée monumental dans le remue-ménage de la banlieue. Il peint, non comme on devrait peindre — selon le goût des uns et des autres — mais comme il le doit — non seulement à lui-même — à la chose-peindre qui le reprend chaque matin et le quitte, tard dans la nuit, l’acte de peindre depuis quarante ans «des tableaux frais comme s’ils avaient été bâclés, bien que mûrement réfléchis…»
Michèle Cointe - 2016