Ernest Puerta

« Je suis né et j’ai grandi sur les rives de la Méditerranée entre Oran et Sète sous cette intransigeante et singulière verticalité de la lumière du Midi.

Dans ma prime adolescence, un jour de fête, j’avais reçu un coffret-cadeau qui contenait un petit appareil photo, une pellicule et un flash cube... quelle drôle d’idée pour un présent !!!!

Il suffisait simplement de regarder dans le viseur (un petit carré) et d’appuyer sur un bouton pour prendre une photo... « Clic-Clac Merci Kodak » disait la publicité...

Plus tard, un jour, sur la plage de Sète, un bateau de commerce avait échoué sur le sable, planté là, droit, imposant et très spectaculaire... et comme tout un chacun j’étais allé voir cette curiosité mais muni de cet appareil photo...

Et là, pour la première fois, au travers du viseur, ce petit carré magique, tel un trou de serrure indiscret, j’ai eu comme une impression primitive, une révélation, celle de voir et de découvrir le Monde autrement.

Comme vivre un instant singulier, celui qui insuffle la croyance dans le pouvoir de la Lumière, la nécessité de l’image, la possibilité de fixer le moment... tenter avec ce regard de cyclope-photographe avec la Lumière d’inscrire l’image dans l’intemporalité et la pérennité des choses, dans leurs lignes, leurs courbes, leurs éclats et leurs ombres. »

La magie de l'instant partagé - Extraits

Bien sur le regard... mais ce regard qui sait entendre pour quelle présence son sujet se pose, s’offre à lui dans l’urgence d’une quête mutuelle, ne souffrant aucun retard.
Pas de précipitation dans la prise de vue mais ce moment venant de l’exactitude d’un rendez- vous avec la lumière.

C’est grâce à cette vigilance à l’égard du moindre signe que se forge la patience fébrile qui saura coordonner à l’instant décisif, le regard et la main appareillée.

L’appareil est ce témoin objectif entre le regard tactile de l’artiste et son sujet sensible. Il enregistre l’instant-contact-subjectif entre les deux, leur expression.

L’image ne montre pas le sujet à travers le regard de l’artiste, elle témoigne de cet instant partagé par les deux dont la magie interpelle le regardeur-spectateur, dans sa propre présence à l’image devenue témoin.

Ernest Puerta ne réalise pas des peintures, il est allumeur d’instants photographiés. Son regard flâneur est cependant celui d’un authentique peintre qui sait accueillir ce qui l’entoure comme partie intégrante, actrice de sa vision.

Chaque cadrage d’Ernest Puerta ouvre un site où veille le grand large, pour une croisière avec le vivant, brisant l’image-écran...

Dès lors, c’est à notre regard de relever ou non le défi de l’instant de la rencontre et de nous embarquer...

Philippe Tancelin Décembre 2022